La mesure de la pratique sportive s'effectue par deux moyens : le nombre de licences délivrées par les fédérations sportives et les enquêtes statistiques plus générales qui s'efforcent d'aborder d'autres modalités de pratiques (Mignon, 2015). Aucune méthode étant infaillible, la collecte statistique de la pratique physique et sportive rencontre des difficultés à enregistrer la complexité ou les nuances de ce que les sportifs ont à dire. A cela, s'y ajoute la faible visibilité des adolescents. Cette enquête qualitative se propose d'éclairer ces chiffres en donnant la parole à ces adolescents. Ainsi, nous montrerons qu'ils se livrent à différentes pratiques. Cependant, certaines activités ne sont pas déclarées par les pratiquants dans ces enquêtes, malgré une amélioration de celles-ci en proposant à l'enquêté une catégorie « autre ». Une hypothèse pour expliquer cette absence renvoie à leurs catégories de pensées. Perçoivent-ils leurs activités comme de la pratique physique et sportive ? Notre enquête donne la parole aux élèves pour prendre la mesure de l'ensemble de leurs activités physiques même si ces derniers ne les pensent pas toujours comme telles.
A l'appui d'une enquête ethnographique, croisant observations dans différents contextes de pratique, entretiens et suivi longitudinal de plusieurs élèves, nous disposons d'un éclairage complémentaire pour comprendre l'engagement physique et sportif des jeunes. L'enquête débute en 2021 et concerne 25 élèves de sixième dont 6 filles. Parmi eux, 6 élèves sont en SEGPA. Elle compte aussi 36 élèves de troisième dont 15 filles. Ils proviennent de trois collèges différents ; l'un dans un village rural de 1.500 habitants et les deux autres se situent dans une ville de 20.000 habitants recrutant dans le rural environnant. Chômage et retraités y sont importants. L'un d'eux est classé REP et contient une section sportive handball. Notre population s'est portée volontaire mais devait appartenir aux classes populaires et "se considérer comme pratiquante".
L'étude soutient les enquêtes statistiques en dévoilant le processus de socialisation (Darmon ; 2016) qui s'opère depuis le plus jeune âge chez des adolescents issus de classes populaires. Elle souligne un parcours sportif complexe de ces "jeunes", jalonné d'abandons, de bifurcations et de superpositions de plusieurs types d'activités. Pour cela, nous mobiliserons le concept de carrière (Becker, 1963) et nous reviendrons sur les différentes étapes de l'engagement des jeunes : leur entrée, parfois précoce, la longévité de leur carrière fédérale pour certains, les formes multiples de pratiques et leurs sorties qui prennent très souvent la forme de bifurcations plutôt que d'abandons.