Recomposition du « paysage politique » et gouvernance des Aires Marines Protégées. Ce que révèle le cas des usagers récréatifs de la nature
Ludovic Martel  1@  , Arnaud Sebileau  2, *@  
1 : UMR CNRS 6240 LISA
CNRS : UMR6240
2 : Activité Physique, Corps, Sport et Santé
Université Catholique de l'Ouest, Ifepsa-UCO
* : Auteur correspondant

Partant d'une enquête menée entre 2016 et 2022 sur ces instances de gouvernance que sont les Aires Marines Protégées, cette communication vise à interroger la place accordée aux usages récréatifs de la nature dans ces nouveaux « appareils administratifs » et ce plus particulièrement en s'attachant à analyser les modalités d'accès aux postes de représentants dans les différents collèges qui les composent. Présentées comme de « nouveaux modèles » de démocratie participative fondée sur la consultation, la concertation, la mobilisation et l'enrôlement des « acteurs » des territoires concernés, les AMP devaient incarner un modèle alternatif et réformateur de la « gouvernance » territoriale.

Cumulés à la trentaine de campagnes d'observation et au recueil de données secondaires, les entretiens semi-directifs réalisés auprès de représentants siégeant dans des organes de gouvernance d'AMPs (n=100) contribuent à montrer que les AMP s'avèrent être des organes qui tendent à reproduire les hiérarchies d'une part entre le personnel politique et les autres catégories de représentants, et d'autre part entre élus des collectivités. Cette « gouvernance innovante » conforte finalement les modes de recrutement qui favorisent les plus dotés des ressources sociales et culturelles spécifiquement efficientes pour accéder à ces instances et évincer les plus dépourvus en la matière. De l'annonce de leur création, aux phases de préfiguration jusqu'à leur instauration, loin d'être des espaces de concertation et de formalisation des politiques locales favorisant l'ouverture à des personnels non familiarisés au travail et aux règles du jeu politique, les instances de gouvernance des AMP observées reposent sur des compositions qui témoignent d'une sélectivité culturelle. Ces dernières privilégient les fractions non seulement les plus familiarisées à l'exercice de la représentation collective, mais aussi celles dont les dispositions et prises de positions sont les moins dissonantes avec celles incarnées par les agents qui réussissent à occuper les postes de pouvoir d'où se contrôlent et se dirigent les AMP. En cela, la genèse et le fonctionnement des AMP offrent des cas paradigmatiques de la production de discours invoquant le « renouvellement » et la « réforme », qui n'empêche guère les formes de permanences et de reproduction de l'ordre culturel.

Ici, la représentation politique des usagers récréatifs de la nature offre ainsi l'occasion de mettre à l'épreuve l'idée prégnante selon laquelle une « recomposition » du « paysage politique » est depuis quelques années amorcée. 

Blondiaux, L. (2008). Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative. Seuil, Paris.

Bourdieu, P. (2012) Sur l'Etat. Cours au Collège de France (1889-1992). Raisons d'agir/Seuil, Paris.


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