Prenant pour point de départ une carte postale de 1911 présentant « l'un des plus vieux pins de la forêt » de Saint-Brévin-l'Océan et sous-entendant la permanence du paysage silvestre et de ses usages sportifs dans cette station balnéaire de Loire-inférieure, cette communication vise à interroger les fondements socio-historiques du codage d'une innovation paysagère en substrat d'une identité communautaire fondée sur une nature propice aux loisirs sportifs. En 1911, la plantation de cette forêt sur les sables du littoral n'est pas ancestrale : quadragénaire, elle est le produit d'une transformation récente de l'exploitation des dunes et de luttes centenaires à propos de la maîtrise de l'espace brévinois. Depuis la fin de l'Empire, les générations successives des édiles locaux se sont opposées aux prétendants à l'ensemencement des sables avec des pins, en arguant de l'atteinte aux intérêts de leur agriculture et de « leur communauté » d'une telle techniques d'exploitation des dunes. Ce n'est qu'à partir du second Empire que la reconfiguration des rapports de force et de sens au sein des fractions dominantes de la population brévinoise à propos de l'agriculture rend possible la redéfinition des sables, leur ensemencement en pinède et leur codage en espace de loisirs. Bien que la technique de plantation des pins maritimes ait été éprouvée dans les Landes depuis la fin du XVIIIème, il aura ainsi fallu près d'un siècle pour qu'elle soit adoptée sur le littoral brévinois et que la pinède en arrive à être promue symbole performatif de l'identité communale incarnée par ses « plus vieux pins » à l'ombre desquels se déroulent parties de chasses et de tennis. Présentés comme marqueurs historiques d'un paysage local dans des écrits et images déniant leur récence et reléguant à l'oubli les décennies de résistances à leur plantation, les pins constituent un espace dédié aux loisirs sportifs des villégiateurs. Un tel renversement de sens trouve son principe dans les luttes spécifiquement politiques à propos du monopole de la régie des espaces collectifs au cours desquelles la pinède, une fois plantée, est érigée en « bien commun », dont le contrôle est enjeu de concurrences entre prétendants à l'exercice hégémonique de la gestion de l'espace brévinois et la production de l'identité locale. Fondée sur le dépouillement de plusieurs archives (délibérations municipales, textes de lois, œuvres littérales), cette recherche interroge finalement la production des discours sur l'essentialisation d'un paysage de "loisirs" et la substantialisation identitaire reposant sur des formes de dénégation des discontinuités historiques.