En 2019 est créée la section CNU 91, « sciences de la rééducation et de la réadaptation ». Cet évènement marque une reconnaissance symbolique importante : le champ disciplinaire est légitime au sein de la recherche académique.
Cette création se produit alors qu'une thèse, démarrée un an auparavant, s'intéresse aux dynamiques de professionnalisation (Gadea & Grelon, 2009) de la kinésithérapie. Cette institutionnalisation semble alors heuristique pour comprendre le processus étudié. Pourtant son étude pose plusieurs questions dans le rapport à l'évènement contemporain.
Quelles méthodologies adopter pour rendre compte de l'évènement tout en le replaçant dans ses dynamiques socio-historiques ?
D'une part, l'histoire en train de se faire favorise l'utilisation d'entretiens comme outils d'enquête. Les acteurs concernés (représentants des kinésithérapeutes, administratifs des ministères) renseignent l'enquêteur sur les arbitrages qui ont eu lieu et sur les rapports de pouvoir sous-jacents. Pourtant, les entretiens seuls semblent réducteurs. En effet, en s'intéressant aux discours des acteurs et à leurs rôles, l'évènement est d'abord analysé sous son angle de rupture par rapport à l'ordre initial.
Cette méthode d'enquête a été croisée avec une historicisation (Buton & Mariot, 2009). La reconstitution des trajectoires biographiques des acteurs concernés, en premier lieu les premiers chercheurs universitaires de la kinésithérapie, a permis de rappeler que l'évènement s'explique en amont. Des enseignants-chercheurs kinésithérapeutes étaient déjà présents à l'université, à la suite de thèses dirigées par des enseignants-chercheurs médecins ou STAPS, et ont participé à la mobilisation en faveur d'une reconnaissance de leurs spécificités.
Une troisième opération de recherche a pourtant été rajoutée, visant à réconcilier l'approche évènementielle et processuelle : si le processus existe, pourquoi l'évènement finalement a lieu ? Pour en rendre compte l'enquête a alors mise en œuvre plusieurs petits opérations de décomptes, des caractéristiques sociales des acteurs militants, des disciplines d'adoption des docteurs kinésithérapeutes et leur évolution dans le temps ou encore des thématiques de recherche retenues.
C'est ainsi qu'il est montré que la création de la CNU 91 est le résultat d'un rapprochement des kinésithérapeutes du modèle médical, mais aussi une réponse aux attentes des pouvoirs publics en matière de mise à l'épreuve scientifique des pratiques rééducatives.
Buton, F., & Mariot, N. (2009). Surmonter la distance. Ce que la socio-histoire doit aux sciences sociales. In Pratiques et méthodes de la socio-histoire (p. 14). PUF.
Gadea, C., & Grelon, A. (2009). Est-ce ainsi que les professions meurent? In D. Demazière, Sociologie des groupes professionnels : Acquis récents et nouveaux défis (p. 118‑128). Découverte.