Parce qu'ils nécessitent une analyse systémique, les effets du sport sur les conduites juvéniles à l'œuvre dans les quartiers de la politique de la ville (PV) sont difficilement mesurables. Plusieurs éléments participent à ce constat. Celui-ci peut s'expliquer par une forme de réticence face à l'adhésion fédérale (d'après l'INJEP, à Brest en 2018, il y a 3,4 fois plus de licencié.e.s qui habitent en dehors de ces quartiers qu'à l'intérieur. Le ratio est de 5,4 au niveau national), ou encore par la constitution de nouveaux groupements sportifs auto-organisés (Vieille-Marchiset, 2010). En comparaison avec l'extérieur de la géographie prioritaire, cette population, en particulier les filles et les femmes (Guérandel, 2016), a effectivement tendance à moins pratiquer ou à le faire dans des espaces peu voire pas du tout institutionnalisés.
À partir de trajectoires de jeunes de ces territoires, nous souhaitons ici déplacer la focale d'analyse sur les dispositions (Lahire, 1998) et les contextes sportifs qui forment, transforment et marquent les processus de socialisation. Ainsi, la contribution questionne la manière dont le sport peut, pour certain.e.s, constituer une passion quasi quotidienne et avoir une finalité professionnelle alors qu'il apparaît comme un souvenir fugace pour d'autres.
Pour ce faire, nous mobilisons deux entretiens semi-dirigés (Asma, 21 ans, qui pratique quotidiennement le street workout et travaille dans l'animation socio-culturelle et Bassim, 22 ans, qui prépare un diplôme d'animateur dans ce même domaine) dont la richesse permet d'éclairer l'articulation entre le sport et les parcours de vie. Les matériaux ont été recueillis parmi un panel plus large (n = 20) de jeunes âgé.e.s de 16 à 25 ans habitant, ou fréquentant ponctuellement, les quartiers brestois de la PV. D'après les principes de l'analyse par théorisation ancrée (Paillé, 1994, p. 94), notre démarche s'appuie sur un processus itératif mêlant dans un même mouvement les phases de récolte et d'analyse de données.
D'ores et déjà, ces portraits révèlent que le sport peut être significativement et positivement structurant (parce qu'il prépare à une insertion professionnelle par exemple) selon le type de jalons biographiques en jeu (la rencontre avec un.e animateur.rice de quartier, la volonté de s'affirmer dans un groupe de pairs, etc.). L'analyse fait également ressortir des événements, ou habitudes a priori singulier.ère.s, mais pour lesquel.le.s il semble nécessaire de s'attarder, ceci afin d'identifier les leviers favorables au déplacement de dispositions et de compétences d'un pan à un autre des socialisations (Lahire, 2006).