Cette communication se base sur un travail de recherche préalable à une thèse en cours portant sur les « carrières d'obèses ». Considérée comme une maladie chronique, voire comme une épidémie, l'obésité fait l'objet depuis un certain nombre d'années d'une prise en charge via les activités physiques adaptées (APA). L'enquête a été conduite dans une association d'APA spécialement destinée aux personnes en surpoids et obèses, dans une visée mêlant bien-être et santé. Il s'agira ici de mettre en évidence la façon dont ce contexte à la fois sportif et sanitaire produit une hiérarchisation singulière et double des corps corpulents. Cette hiérarchie, appréhendée par un cadre interactionniste (Goffman, 1973, 1975 ; Becker, 2002, 2020), révèle une des manières qu'ont les activités physiques d'interagir avec un état tout à la fois stigmate et pathologique.
Les données mobilisées consistent en 5 mois d'observations participantes au sein de l'association, permettant de voir en acte la façon dont les individus se comparent entre eux. Ces données sont complétées par une quinzaine d'entretiens permettant d'accéder plus précisément aux propriétés sociales des enquêté.e.s.
Tout d'abord, les effets négatifs d'un stigmate dont l'attribut est fortement visible poussent une grande part des enquêté.e.s à justifier spontanément leur obésité, que ce soit leur prise ou leur absence de perte de poids, révélant alors une hiérarchie des façons d'être obèse et de le rester. Or, cette stratégie de réduction du stigmate par anticipation se révèle plurielle et n'autorise pas les mêmes profits de neutralisation du stigmate suivant les propriétés sociales des individus. Obésité ancienne et capital culturel important se révèlent alors comme les conditions de possibilité principales d'une mise en récit optimale de l'obésité pour mettre à distance l'image de l'obèse coupable de ne pas contrôler sa silhouette.
Ensuite, une seconde hiérarchie des corps se crée, cette fois-ci dans l'action. Les activités physiques, adaptées ou non, ont ceci de spécifique qu'elles rendent immédiatement visibles aux yeux de tous une performance corporelle. Loin d'être neutres, les corps sont regardés, scrutés, analysés et un principe de classement des corps en catégories apparait alors. Les corps les plus corpulents sont à la fois les plus dévalorisés mais aussi la cible de profits symboliques spécifiques aux activités physiques : accomplir une performance malgré un corps aussi « gros » engendre admiration et prestige.
Pris ensemble, ces deux volets constituent chacun à leur manière une appréhension des hiérarchies corporelles liées aux corpulences qui se constituent en contexte d'activité physique.