Entre fête populaire historiquement ancrée dans la ville de Florence et pratique singulière où tous les coups (ou presque) sont permis, le calcio storico fiorentino est un jeu mélangeant football, rugby et activités de combat. Chaque année, quatre équipes issues des quartiers historiques de Florence s'affrontent dans le cadre d'un tournoi traditionnellement disputé en juin. L'évènement s'accompagne de rites carnavalesques (cortèges historiques, tenues traditionnelles, défilés des équipes dans la ville, ...) participant de l'identité florentine et indissociable du jeu lui-même.
En s'appuyant sur les résultats d'enquêtes menées au cœur de la manifestation et auprès des pratiquants (calcienti), on s'interrogera sur la place de la ritualité, du folklore et de l'hyperviolence des rencontres dans un temps contemporain marqué notamment par l'euphémisation des affrontements et la pacification sociale. À l'instar d'autres pratiques traditionnelles étudiées par ailleurs (Fournier, 2013), on montrera que le calcio storico présente les signes d'une sportivisation : réglementation partielle du jeu et des affrontements, athlétisation des joueurs (calcienti) et spécifications des techniques (de combat surtout) ; ouverture de l'évènement vers l'extérieur (en termes de médiatisation et de diffusion), etc. Loin d'apparaître comme une rupture culturelle, il s'agira de penser l'analyse de ces dynamiques à l'aune de la dialectique tradition/modernité. En effet, cette dimension sportive révèle des disparités dans le sens que les acteurs impliqués donnent à cette pratique. En outre, il apparaît que se jouent, en creux, des considérations relatives à l'appropriation de l'évènement, du jeu, de l'espace (la ville, ses quartiers) renvoyant à ce qu'être florentin veut dire. Si certains s'accommodent ou promeuvent la « modernisation » du calcio storico, d'autres en revanche y voient une altération voire une menace à la préservation d'une identité locale.