Dans un contexte sociétal caractérisé par le développement de politiques publiques d'incitation à la pratique d'activité physique, de nombreux dispositifs spécifiques sont mis en œuvre à différentes échelles territoriales (Gasparini, Knobé, 2021 ; Perrin et al., 2022). Ces actions font l'objet d'études visant à en mesurer les effets, notamment sur les bénéficiaires. Généralement, elles focalisent leur attention sur les changements de niveau d'activité physique, ne parvenant pas toujours à tenir compte de la pluralité des dimensions explicatives, ni à s'intéresser à des temporalités longues, c'est-à-dire au-delà de la seule séquence de participation à l'action elle-même (Knobé, 2019).

Ainsi, même si plusieurs enquêtes menées jusqu'à présent ont pu montrer que les bénéficiaires sont en mesure de s'approprier – à des degrés variables – les pratiques proposées dans les dispositifs, elles soulignent également leurs difficultés à les poursuivre une fois l'action de prise en charge terminée (Jacolin-Nackaerts, 2018 ; Arborio, Lechien, 2019 ; Knobé, 2020). L'évolution des pratiques physiques à l'issue des programmes de sport-santé nécessite d'être davantage investiguée. L'appréhension « du social dans la durée » (Cayouette-Remblière et al., 2018), à l'échelle d'un même individu, paraît pertinente pour cerner au mieux les évolutions, les variations et les recompositions des pratiques physiques, et pour aller plus loin dans la compréhension des logiques sociales d'appropriation de recommandations visant à modifier ses pratiques physiques. Mais une telle ambition suscite aussi des interrogations en termes de démarche méthodologique à même d'objectiver les variations intra-individuelles des pratiques dans les trajectoires biographiques.

Ces perspectives seront discutées lors de cette communication à partir de l'exemple d'une enquête qualitative longitudinale démarrée en 2018 auprès de bénéficiaires d'un programme de sport-santé. Après avoir présenté la démarche méthodologique mise en œuvre, il s'agira de discuter des possibilités et des limites qu'elle offre en termes d'explicitation des variations intra-individuelles. La survenue en 2020 de la pandémie de Covid-19 – alors que l'enquête était démarrée –, permet également de traiter d'un exemple des effets d'un événement imprévisible (Grossetti, 2006) sur les pratiques physiques des bénéficiaires enquêtés. Grâce au recueil d'entretiens semi-directifs (n=62) effectués à intervalles de temps réguliers avec une vingtaine de participants, nous présenterons quelques résultats susceptibles de nourrir le débat relatif aux manières de rendre compte des continuités et des changements à l'échelle individuelle.