Cette communication se veut l'occasion de présenter les premiers résultats d'une enquête inédite réalisée dans le cadre d'une délégation CNRS (2021-22). Si le projet de cette recherche consiste en une analyse de la "mise en ordres sanitaires des sports modernes", nous limiterons la présentation à la question du traitement fédéral réservé à la "blessure" dans un contexte de prime institutionnalisation des fédérations sportives. Avec la mise en forme fédérale du football, la question de la blessure devient d'autant plus intéressante à étudier qu'elle met en jeu la nature de l'activité promue par l'institution. Fédérer le football, c'est assurer les conditions de sa diffusion. Or l'atteinte à l'intégrité physique des pratiquants est un aiguillon dans la politique fédérale de propagande sportive. Est-il légitime de défendre les bienfaits et la nécessité du football si celui-ci est dangereux ? Nous montrerons alors à la fois l'ancienneté de la question sanitaire et sa centralité. Parce qu'elle touche à l'essence même de l'activité (ce qu'elle est, ce qu'elle fait), la question de la mise en jeu corporelle et des atteintes à la santé est au cœur du processus de fabrique collective du football. Penser la prime institutionnalisation du sport au prisme des questions de santé présente alors un double avantage. Celui d'interroger le pouvoir fédéral et ses limites. La centralité de la question sanitaire explique son intégration au cœur du pouvoir fédéral. Le traitement des "blessures" fait l'objet d'une récupération (car elle questionne et menace la jeune fédération) et d'une instrumentalisation portée cette fois à l'avantage de l'institution (par un travail de conversion sur lequel nous reviendrons). En effet, « régler » cette question de l'intégrité physique des pratiquants lui donne une occasion en or de normer le jeu et d'exercer son pouvoir naissant (par l'exercice d'une justice qui lui est propre et la prise de sanctions). En décrivant et en objectivant la manière dont l'institution convertit le "problème des blessures" (nombreuses) en une politique sportive assise sur une administration centrale, cette communication entend ainsi ouvrir des pistes pour penser la fabrique du pouvoir fédéral dans l'entre-deux-guerres.
Ce travail repose sur l'analyse de trois fonds d'archives (les archives de la FFF; les archives du CNOSF; les archives privées de la Mutuelle Nationale des Sports), du traitement exhaustif de la revue fédérale de la FFF, d'une revue de presse des principaux titres sportifs des années 1920, ainsi que d'une analyse des thèses de médecine appliquées au football.