Danser pour construire une communauté. L'exemple du pogo punk.
Sacha Thiébaud  1@  
1 : Laboratoire Culture, sport, santé, société - UFC (UR 4660)
Université de Franche-Comté

Dans le cadre de ma thèse portant sur l'étude du punk en Bourgogne-Franche-Comté, culture musicale alternative dans laquelle les acteurs cherchent à s'affranchir de la culture dominante en faisant les choses par soi-même (O'Hara, 2003), j'essaie de comprendre comment les enquêtés mobilisent des imaginaires pour façonner leurs normes corporelles. J'adopte une méthode socio-ethnographique, mêlant entretiens semi-directifs et observations participantes.

La communication que je propose pour ce congrès porte sur le pogo, « une danse frénétique faite de sauts, de chocs, de rebonds organisés au son des guitares et au rythme de la batterie » (Robène, Roux, Serre, 2019 : 550). Cette pratique corporelle née au sein du mouvement punk, dans les années 1970 en Angleterre, continue d'animer les concerts punks contemporains. Toutefois, les formes de pogo diffèrent selon les scènes et les lieux de concerts.

Le questionnement que je souhaite aborder est le suivant : comment les acteurs rencontrés sur le terrain élaborent-ils leur style de « pogoteur » afin de consolider les communautés punks locales ? L'envahissement accepté de l'espace intime relie les individualités dans un corps collectif renforçant la proximité sociale. Cependant, pour que l'acteur déclenche ou rejoigne un pogo, il est nécessaire que des émotions collectives émergent dans le concert. Ces émotions collectives adviennent lorsque des valeurs exprimées par corps (Tuaillon Demésy, 2021) sont partagées entre spectateurs (Rosenwein, 2011).

Les techniques employées pour pogoter (la zone de contact avec le corps d'autrui, la force de la collision, les sens et direction de déplacement, l'entraide...) deviennent des signes qui sont interprétés par la communauté de pratique grâce à son répertoire de sens partagé (Wenger, 2005). Dès lors, dans l'interaction du concert, l'acteur façonne ses techniques corporelles en fonction des valeurs propres à sa communauté. Le pogo devient alors le lieu d'une sémio-motricité permettant de consolider une communauté punk locale en la réunissant autour d'un style de pogo qui lui est propre et qui dévoile la manière dont elle se raconte.

O'hara, C. (2003). La philosophie du punk, Rytrut

Robène, L., Roux, M. & Serre, S. (2019). Pogoter n'est pas jouer ? Punk, pogo et combats figurés. Ethnologie française, 49, 549-567. 

Rosenwein, B. (2011). Les communautés émotionnelles et le corps. Médiévales, 61, 55-75. 

Wenger, E. (2005). La théorie des communautés de pratique. Apprentissage, sens et identité. Presses de l'Université de Laval.

Tuaillon Demésy, A. (2021). Du bistrot aux concerts punks: fragments utopiques en territoire rural. Civilisations, 2021, 70, 99-121.


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