Par la visibilité dont iels jouissent sur la plateforme Instagram, les influenceur-euse-s s'apparentent à des « vedettes » d'internet (Abidin, 2018). Dans l'enquête présentée lors de cette communication, les influenceur-euse-s sont des usagers d'Instagram ayant accepté de s'appuyer sur l'audience dont iels disposent (des milliers voire des centaines de milliers d'abonné-e-s) pour servir les objectifs publicitaires d'entreprises. En échange de ce service, iels obtiennent des rétributions principalement matérielles (des produits gratuits), symboliques et parfois monétaires. Dans le cadre de cette activité, ces individus se livrent, sur une plateforme numérique, à la publication de contenus mettant très souvent en scène des images de leur quotidien et de leur corps (Godefroy, 2021). Bien qu'elles constituent un matériau éclairant leur activité, l'analyse des images produites et diffusées par ces acteur-ice-s ne doit pas être déconnectée du contexte et des conditions sociales qui rendent possible leur production. Cette communication reviendra ainsi sur les apports d'une enquête directement opérée auprès des différents acteur-ice-s agissant sur la production de ces images (infuenceur-euse-s et professionnel-elle-s du marketing) pour saisir, sociologiquement, le développement d'une activité « numérique » à laquelle le sens commun tend à appliquer un caractère « inédit ».
Les photographies, les films et les images animées, considérées sous le terme générique de « méthodes visuelles », ont connu un regain d'intérêt en sociologie depuis les années 1970 et se sont accompagnées de débats critiques (Conord, 2007 ; Maresca, 2013). La logique illustrative, parfois discréditée, peut cependant être utile pour renseigner sur la culture matérielle ou l'organisation d'un lieu (Relieu, 1999). Dans cette recherche, le corpus de photographies rend compte de la manière dont les influenceur-eus-s donnent à voir leur activité sur Instagram et compare ces représentations à d'autres formes d'objectivation. Ainsi, à l'aide de la cinquantaine d'entretiens semi-directifs réalisés et de l'analyse de divers matériaux récoltés (corpus d'images, contrats liant les influenceurs aux entreprises, échanges de mails concernant les contenus à publier, etc.) témoignant de la mise au travail des usagers d'Instagram, nous verrons que l'analyse d'une activité visible depuis internet ne saurait être complètement saisie sans l'objectivation des coulisses dans lesquels elle se fabrique. Soulignant « qu'une photographie plus consciente de ses effets peut rencontrer une sociologie soucieuse de la dimension visuelle de ses objets » (Weber et Menoux, 2020), cette communication tentera de dépasser l'analyse numérico-centrée des images diffusées en ligne par les influenceur-euse-s d'Instagram en rendant compte du monde social dans lequel cette pratique s'inscrit.