Cette communication vise à restituer les étapes de résolution d'une "énigme historiographique" apparue au cours d'une enquête sur l'institutionnalisation du futsal en France.

Au cours de cette enquête, on retrouve une date d'introduction du futsal en France fréquemment située en 1978 et reprise dans des documents issus de la « littérature grise » (Brachet, 2012, Doucet, 2014) et dans certains travaux universitaires (Gaubert, 2016). A cette date de 1978 est associé le quartier populaire de La Bocca, situé à l'ouest de la ville de Cannes, où de jeunes pratiquants se seraient initiés au futsal en participant à un tournoi à Belo Horizonte au Brésil, par l'entremise d'Amador Lopez, animateur de MJC. En consultant la documentation sur cet événement, on comprend pourtant que le tournoi n'a pas eu lieu en 1978, mais en mars 1980. Dès lors, comment interpréter que cette erreur de date se soit répétée au fil des publications, y compris chez des acteurs et les institutions disposant des moyens pour en vérifier l'exactitude ?

Il s'est avéré nécessaire de mener une « enquête sur l'enquête » (Heilbron, Issenhuth, 2019) en identifiant les processus qui ont conduit à la stabilisation de cette erreur. Pour cela, 20 numéros du magazine Futsal Spirit, premier magazine français exclusivement dédié au futsal paru de 2005 à 2012 ont fait l'objet d'une analyse exhaustive. Une trentaine d'entretiens sonores menées dès 1997 auprès d'acteurs du futsal par la « Commission nationale futsal » de l'UFOLEP seront aussi réanalysés.

Dès lors, un premier constat montre que cette erreur factuelle a produit une inversion chronologique, faisant précéder le tournoi au Brésil de l'introduction du futsal en France. En instaurant cette inversion chronologique, le récit fondateur accrédite le schéma d'une introduction du futsal en France "par importation", renforçant (à tort) la visée socio-éducative et le caractère inédit de ce voyage à Belo Horizonte.

Mais ce récit fondateur tient surtout sa force du consensus qu'il a réussi à établir entre deux organisations concurrentes au cours de la décennie 2000 : l'une défendant une « conception immaculée » du futsal et l'autre une « conception généalogique » (Mathieu, 2005).

A rebours de ces deux versions à la fois concurrentes et complémentaires, ce travail consiste à montrer que ce voyage à Belo Horizonte vient en réalité parachever les tentatives d'introduction du futsal en France par l'intermédiaire d'acteurs marchands motivés par les débouchés envisagés avec l'introduction de cette pratique nouvelle.