La Charte sociale des Jeux de 2024 : une innovation en trompe-l'oeil ?
Igor Martinache  1, 2@  
1 : Institut des Sciences sociales du Politique
Université Paris Nanterre, Université Paris-Saclay, Centre National de la Recherche Scientifique, Ecole Normale Supérieure Paris-Saclay
2 : Université Paris Nanterre - UFR Sciences et techniques des activités physiques et sportives
Université Paris Nanterre

Dans le dossier de candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024 figurait une pièce originale que peu d'observateurs ont remarqué : une "Charte sociale". Signé par le Comité d'organisation, la Société de livraison des installations olympiques (Solidéeo) et les représentants des 8 principales organisations syndicales et patronales, ce document liste un certain nombre d'engagements non contraignants visant à favoriser la situation des travailleurs, salariés comme bénévoles, impliqués dans l'organisation des Jeux, mais aussi à faire en sorte que l'événement laisse un "héritage" social durable dans les territoires concernés. Si d'aucuns ont pu critiquer dans cette démarche un simple instrument de communication, on peut néanmoins relever la faible attention médiatique portée jusqu'à présent à celle-ci.

S'appuyant sur un matériau documentaire et ethnographique constitué notamment d'observations et d'entretiens semi-directifs menés auprès d'une vingtaine d'acteurs investis dans cette démarche, au titre des partenaires sociaux ou du Comité d'organisation des jeux, cette communication propose d'analyser la dynamique de rédaction d'un texte et le travail concret de suivi de sa mise en œuvre au regard du profil des agents investis, ainsi que les premiers effets que l'on peut d'ores et déjà identifier à plus d'un an de l'événement.

A partir d'une analyse en termes de sociologie des organisations, il s'agira ainsi de montrer que si la Charte sociale de Paris 2024 présente bien un caractère innovant, celui-ci ne réside pas forcément dans ses aspects les plus visibles. Plutôt que dans l'impact social, du reste difficile à mesurer (Charrier et al., 2020), l'innovation principale semble être de nature institutionnelle, avec notamment l'association des partenaires sociaux traditionnels à un tel MES, dans un contexte marqué par la structuration du dialogue social dans le sport (Fleuriel 2021).

Sera ainsi plus particulièrement analysé le "jeu" des différents acteurs individuels qui portent la démarche au nom de leurs organisations, en distinguant notamment les motifs particuliers qui animent chacun et qui permettent de les qualifier tout autant de "marginaux-sécants" (Crozier & Friedberg, 1977) que d'associés-rivaux. Sans occulter les limites de la démarche, dont certaines sont identifiées par ses propres promoteurs, cette communication visera également à montrer que celle-ci comporte également une dimension performative (Bourdieu, 1982), contraignant les acteurs à donner une certaine effectivité à leurs discours publics, tout en révélant certains enjeux de l'organisation des JOP habituellement laissés dans l'angle mort.


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