Depuis longtemps et de manière accrue avec la perspective des JOP 2024, l'aménagement de la scolarité des élèves sportifs de haut niveau (ESHN) fait l'objet de nombreuses préconisations, tant la haute performance exige une gestion complexe des temporalités (Burlot & Julla-Marcy, 2018), des adaptations voire des innovations scolaires et met en tension les logiques professionnelles des acteurs partenaires (Honta, 2014).
Dans le cadre d'une recherche collaborative (2019-2023) avec le lycée Mounier (Châtenay-Malabry), nous étudions l'évolution du dispositif scolaire d'accueil d'une centaine d'ESHN en « double projet scolaire et sportif » du CREPS d'Île-de-France voisin.
L'organisation pédagogique du dispositif du lycée a évolué durant notre étude, passant d'un principe d'hétérogénéité des classes en répartissant les ESHN, à un principe d'homogénéité de classes spécifiques d'ESHN. A notamment prévalu la volonté de constituer des équipes d'« enseignants volontaires », capables d'adapter « leur démarche pédagogique en fonction des besoins et capacités de chaque sportif(ive) » et de recourir aux nouvelles technologies (Instruction interministérielle DS/DS2/2020/199, 2020).
Si cette nouvelle organisation n'est pas en soi originale, quels sont les enseignants qui s'y engagent, pour quels changements attendus ? Y voient-ils un espace d'expression de pratiques pédagogiques innovantes (Jorro, 2013 ; Cros & Broussal, 2020), que ce soit par l'usage d'outils numériques, l'adoption de nouvelles formes pédagogiques, un collectif éducatif plus collaboratif ?
Dans l'éventualité d'une troisième structuration en préparation, « visant à délocaliser l'ensemble des enseignements scolaires dans l'enceinte du CREPS (dite annexe scolaire) » (Rapport IGESR 21-22 351A, 2022), pour des aménagements plus modulés selon les contraintes sportives, ces enseignants resteraient-ils volontaires ?
Située dans une sociologie compréhensive des dispositions et des expériences (Lahire, 2001), à partir d'une trentaine d'entretiens semi-directifs (professeurs ayant enseigné aux ESHN dans les deux premiers formats, IA-IPR EPS, référents scolarité CREPS) et d'échanges avec les directions successives du lycée, notre contribution discutera les profils des enseignants « volontaires », la place de l'innovation dans leurs conceptions du « métier d'enseignant » et du « métier d'élève » (Rayou & Tremel, 2021), comparés aux autres enseignants.
L'analyse des trajectoires et des logiques d'engagement montre un goût partagé pour la culture sportive, une proximité relationnelle avec le monde du haut niveau, se concrétisant par une posture attentive au quotidien sportif des élèves, inhabituelle chez les autres enseignants. Si certains apprécient surtout le niveau scolaire des ESHN, plusieurs revendiquent une forme innovante d'accompagnement pédagogique comme « coach scolaire » à l'image du coach sportif, exhausteur du projet scolaire et du bien-être des élèves, face aux incertitudes du haut niveau.