Le Mixed Martial Arts, du « combat de coqs » à l'UFC Paris... Itinéraire de dédiabolisation et d'institutionnalisation d'un sport de combat anciennement « sulfureux ».
Matthieu Quidu  1@  
1 : Laboratoire sur les Vulnérabilités et l'Innovation dans le Sport (L-ViS)
Université Claude Bernard Lyon 1

Le MMA est aujourd'hui une discipline reconnue et instituée dans le paysage sportif français. Elle est en effet encadrée par la French MMA Federation (sous l'égide de la Fédération française de boxe) en charge d'organiser les compétitions amateures et professionnelles, de former des entraîneurs diplômés et de produire des réglementations adaptées aux différentes catégories de combattants. La couverture médiatique du MMA est également étoffée, que cela soit au niveau télévisuel (la chaîne L'équipe 21 diffuse en direct des compétitions professionnelles) ou de la presse papier. Si la situation du MMA semble désormais normalisée, il n'en était rien au début des années 2000, au moment de son émergence hexagonale (Delalandre & Collinet, 2013). Celle-ci était alors la cible de vives condamnations morales émanant aussi bien des dirigeants politiques, des journalistes que des responsables des fédérations concurrentes. Jugée extrêmement violente et cruelle, comparée à des combats de coqs, elle a été accusée de « porter atteinte à la dignité humaine ». Comment, en l'espace de vingt ans, la situation du MMA a-t-elle pu passer de la stigmatisation morale et de l'errance institutionnelle à la reconnaissance étatique ? Comment une activité initialement marginalisée peut-elle devenir mainstream ? Sa réhabilitation socio-morale était-elle inéluctable ? En 2006, Van Bottenburg & Heilbron ont formalisé quatre scénarios pour l'avenir du MMA : le premier consistait en la disparition de la discipline sous l'effet d'une législation prohibitive. À cet égard, Gaudin (2009) considère que toutes les activités de combat qui ont survécu sont celles qui ont été codifiées et euphémisées. Le deuxième scénario résidait dans la bascule vers l'underground et l'illégalité. Les deux derniers optaient respectivement pour une re-sportivisation et une exacerbation de la spectacularisation suivant le modèle du catch et du storytelling. Ce sont ces deux directions qui ont structuré le développement mondial de l'UFC, lequel n'a pas manqué d'influer sur la situation française. Toutefois, la déstigmatisation ne s'est pas opérée par un revirement instantané. Des forces convergentes (politiques, institutionnelles et médiatiques) ont dû entrer en résonance en même temps que diverses étapes de dédiabolisation ont été parcourues. Nous contribuerons à l'identification de ces dernières à partir d'un analyseur circonscrit, le traitement du MMA dans le quotidien L'équipe. Trois phases ont ainsi pu être distinguées : la confidentialité et la marginalité (2003-2012) ; l'émergence des champions et du débat (2013-2017) ; la normalisation et la diversification des pratiquant.es (2018-2022).


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