Performer ou contre-performer son genre pour enquêter sur les socialisations cyclistes.
David Sayagh  1, *@  
1 : Complexité, Innovation, Activités Motrices et Sportives
Université Paris-Saclay
* : Auteur correspondant

Les identités de genre, au même titre que les sexualités, jouent un rôle considérable sur les différentes phases de l'enquête (Monjaret et Pugeault, 2014 ; Clair, 2016). Qu'en est-il des recherches sociologiques qui s'intéressent aux activités physiques réalisées dans l'espace public ? Majoritairement conçus par des hommes, pour des hommes, ces deux univers sont solidement structurés autour de l'idée de l'infériorité physique des femmes. Ils sont à la fois des lieux d'expression et de reproduction du genre (Mennesson, 2005 ; Lieber, 2008). Les pratiques du vélo sont particulièrement concernées, notamment parce que le vélo reste fortement associé à un sport masculin, à un mode de déplacement dangereux et à un objet mécanique requérant des compétences « masculines ».

Il paraît ainsi intéressant de se demander en quoi le fait d'être un chercheur homme, hétérosexuel, sportif et adepte de l'exploration urbaine, peut influencer la manière de mener des recherches sur les mobilités à vélo. Au-delà de son influence sur les choix de sujets et de méthodes, il sera montré en quoi ce profil peut constituer un atout pour enquêter dans des contextes spatiotemporels variés, et en quoi il représente aussi un frein pour explorer les dimensions d'ordre intime qui influencent les pratiques des femmes et des adolescentes, en particulier pour celles de confession musulmane. Il s'agira également de rendre compte des stratégies de présentation de soi (Goffman, 1996) et d'ajustements identitaires (Gourarier, 2011) verbaux et non verbaux (Beaud et Weber, 1998) déployé-e-s. Il sera montré en quoi le vélo constitue un support particulièrement propice à des mises en scène consistant souvent – pour tendre vers davantage de connivence (Thizy et al., 2021) voire de complicité (Voros, 2014) – à jouer avec son genre, à le performer (Butler, 1999) ou au contraire à le « contre-performer ». Au final sera défendue l'idée que comprendre l'influence de son identité de genre en tant qu'enquêteur-rice implique d'analyser sa propre socialisation et ses propres dispositions.

Le propos s'appuiera sur deux enquêtes. La première porte sur les socialisations cyclistes genrées durant l'adolescence. Elle repose sur des observations, 101 entretiens réalisés dans les métropoles de Montpellier et Strasbourg, ainsi que 3 études complémentaires de corpus d'images, de discussions et d'articles numériques. La deuxième repose sur des observations, 15 entretiens et 15 parcours commentés réalisé-e-s dans les métropoles de Saint-Étienne et Grenoble afin d'étudier l'influence de la crise sanitaire (Covid-19) sur les manières de penser et de pratiquer le vélo.


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