Positionnement méthodologiques du corps trans* en terrain lesbien: difficultés, enjeux et « privilège épistémique »
Matthieu Piau  1@  
1 : École des hautes études en sciences sociales
Sophie Pochic

L'enjeu de cette communication est de développer une démarche réflexive sur les effets des dispositions sexuées et genrées de l'enquêteur/trice dans une enquête (par observation participante) auprès d'un collectif sportif et militant (revendiquant une identité « gouine » et une organisation non mixte. Ainsi, à partir de ce terrain réalisé à l'occasion d'un master à l'EHESS, il s'agira de comprendre comment la participation d'un·e enquêteur/trice trans* a pu « troubler » les revendications identitaires lesbiennes (Lebreton, 2016 & Chetcuti, 2010) et les principes (mal définis) d'une « non-mixité choisie » dans ce collectif et réciproquement, comment les propriétés et représentations des enquêtées ont pu « troubler » le travail de l'enquêteur/trice. En effet, le corps trans* est triplement « non-identifié » en fonction des catégories normatives de sexe, de genre et de désir (Butler, 1990) et il a suscité adhésions et/ou interrogations de la part des enquêtées. Un double mouvement de catégorisation s'est alors opéré dans la relation enquêteur/trice-enquêtées participant à rendre intelligible le terrain d'enquête. On constate ainsi que la nécessité d'être conforme à une catégorie n'est pas propre au champ médical (Löwy, 2003) et qu'elle est indépendante des dispositions politiques et intellectuelles par lesquelles les personnes appréhendent le sexe et le genre (Baril, 2015). Des nuances peuvent néanmoins être apportées au regard de notre terrain d'enquête car si certaines enquêtées ont assigné l'enquêteur/trice à une forme déviante, moderne ou radicale de butch, affirmant une compréhension nuancée du terme de lesbienne, (Halberstam, 1994 & Halberstam, 1998) et des identités trans*, d'autres enquêtées ont conclu à une différence fondamentale et catégorielle malgré l'appartenance théorique à la même « communauté ». Nous questionnerons également la façon dont le corps trans* a pu autoriser une forme de légitimité par « connivence de genre » (Thizy, Gauglin & Vincent, 2021) au sein d'un groupe lesbien dans la relation d'enquête, manifestée par des interrogations relativement intrusives. De même que la connaissance biographique (Clair, 2022) de certains processus étudiés, comme celui de la placardisation ou de la sexualité lesbienne, a pu être une ressource sur le terrain permettant une familiarité avec les enquêtées en amont des entretiens. En ce sens, la contribution permettra de questionner comment se construisent (ou non) des « privilèges épistémiques » (Harding, 1991, Hartstock, 2003 ; Radi, 2019 ; Clair, 2016), pour l'étude des rapports sociaux de sexe, de genre et de désir dans les sciences sociales du sport.


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