A l'interface d'une sociologie du genre, du corps, du sport et des médias, cette communication propose de s'intéresser aux modèles de genre véhiculés dans un réseau social – Instagram- et dans une pratique en plein essor : le yoga. Il s'agit de questionner les concepts de masculinité hégémonique et d'emphasized feminity théorisés de manière successive par Raewyn Connell (1987, 1995, 2014) aux regards de pratiques corporelles et de supports médiatiques typiques de la modernité. Mobilisés plus particulièrement en sociologie du travail (Rivoal, 2021 ; Oeser, 2019), ces concepts font l'objet depuis une quinzaine d'années de travaux de plus en plus conséquents en sociologie du sport, et notamment des médias sportifs. Les études sur la presse sportive spécialisée (Fraysse, 2019), ou la retransmission des grandes compétitions sportives (Montanola, 2011 ; Lapeyroux, 2021) concluent toutes à une juxtaposition de modèles de genre très stéréotypés à des modes de présentation beaucoup plus novateurs. Mais qu'en est-il concrètement sur les réseaux sociaux et dans une pratique où l'aspect de performance n'est à priori pas l'objectif premier ?
Cette communication se propose d'initier des pistes d'analyse à partir de 6 comptes Instagram d'influenceurs-euses de yoga en langue française parmi les plus important en termes de follower sur une année de publication. A partir d'une étude qualitative et quantitative, les premiers résultats montrent tout d'abord la présence des caractéristiques des formes hégémoniques telles qu'une hyperféminité prégnante et une masculinité qui valorise la force et la puissance. En effet, les influenceuses donnent toutes à voir un corps mince, en bonne santé, où les prises de vue se concentrent sur les fesses et les seins ainsi que la présence fréquente du conjoint et des enfants. Les comptes masculins présentent quant à eux une majorité de photographies torse nu, ou dans des postures qui rendent les muscles du torse et des bras particulièrement saillants. Cependant, ces formes stéréotypées sont hybridées avec des modes de présentation beaucoup plus novateurs. Les influenceuses montrent ainsi un corps mince mais pas maigre et lui-aussi très musclé notamment dans des postures exigeantes physiquement comme pour les hommes, qui malgré le relatif dénudage n'est cependant pas érotisé. En ce qui concerne les modèles masculins, la présence aussi fréquente que pour les modèles féminins de la conjointe et des enfants et des postures de méditation viennent atténuer la « musculinité » constatée précédemment.