Ce que les sports à vocation esthétique font à l'ordre de genre
Amélie Pouillaude  1, 2@  
1 : Centre Lillois d'Études et de Recherches Sociologiques et Économiques - UMR 8019
Université de Lille : UMR8019, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR8019, Université de Lille, Centre National de la Recherche Scientifique
2 : Centre Nantais de Sociologie
Centre National de la Recherche Scientifique, Nantes Université - UFR Sociologie

À rebours des APS qui ne concernent qu'une minorité de femmes jusqu'au milieu du XXème siècle (Louveau, 2006) tant elles sont appréhendées comme des « fiefs de la virilité » (Elias et Dunning, 1984), les sports à vocation esthétique demeurent des pratiques « à la marge », en ce qu'elles constituent des terrains fortement investis par les femmes et sous-explorés en sciences sociales. S'il existe des travaux s'intéressant aux socialisations de genre en danses de couple (Apprill, 2007, 2018 ; David, 2015), de rue (Faure, 2004 ; Faure et Garcia, 2005), classique (Cappelle, 2018 ; Laillier, 2017) et contemporaine (Faure, 2002 ; Sorignet, 2010), ainsi qu'en cirque (Cordier, 2007 ; Sizorn et Lefevre, 2003), en cheerleading (Adams and Bettis, 2003 ; Grindstaff and West, 2000 ; 2010) et en gymnastique rythmique (Chimot, 2004 ; Mennesson, Visentin et Clément, 2012), ces derniers mériteraient d'être actualisés au regard des reconfigurations de genre à l'oeuvre au sein de ces espaces ainsi que de la visibilisation des questions relatives aux discriminations sur la scène publique. 

Le twirling bâton apparaît comme le grand oublié de ces recherches. Dominé dans l'espace des sports français et entretenant une proximité avec les pratiques artistiques (Mennesson et Julhe, 2012), il accorde une place importante à la présentation de soi (Pouillaude, 2022) et participe à la reproduction de féminités culturellement idéalisées et subordonnées au désir masculin hétérosexuel (Connell, 1987). Issue d'une recherche doctorale, cette communication s'intéresse à la construction des féminités ainsi qu'aux mécanismes de hiérarchisation des filles et des femmes à travers l'apprentissage du twirling. Majoritairement issues des classes modestes, elles n'apparaissent pas toujours ajustées aux idéaux esthétiques promus par l'institution sportive. En tant que modèles corporels, les entraîneur-es agissent de manière différenciée sur la construction des corps et par extension, sur le façonnement des identités de genre. Dans quelles mesures les entraîneur-es participent à reproduire ou à déjouer l'ordre de genre traditionnel ?

Adoptant une perspective dynamique et croisant la trajectoire sociale, le genre, les préférences sexuelles, l'âge et le niveau sportif des acteur-ices, ce travail propose de prolonger les recherches portant sur les socialisations sportives et de genre, en plaçant le processus de production sociale de la valeur des individus (Schotté, 2022) au centre de l'analyse. Croisant des oservations directes et participantes d'entrainements et de compétitions avec des entretiens effectués auprès d'entraineur-es et de pratiquantes, cette recherche entend comprendre comment se (dé)font les classements sportifs au sein d'une institution qui ambitionne de faire figurer le twirling au programme des JO.


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