Ce que la féminisation de l'arbitrage révèle du renouvellement de la domination masculine
Corentin Simon Barbotin  1@  
1 : Centre Max Weber
Université Jean Monnet - Saint-Etienne

Issue d'un travail de thèse en cours, cette communication porte sur la construction des féminités et masculinités des arbitres, à travers une analyse de deux disciplines sportives (handball et rugby). La spécificité de cette fonction réside dans la possibilité des individus d'arbitrer les catégories « féminines » et « masculines » peu importe leur catégorie de sexe et dans la relation ambigüe qu'ils entretiennent avec les acteur·rices des compétitions sportives. Le choix d'étudier deux disciplines dans lesquelles les masculinités dominantes reposent sur l'utilisation de la force physique questionne la position des arbitres dans les rapports de pouvoir des espaces sportifs à travers les normes de genre qui encadrent la pratique arbitrale. Les situations de mixité et non-mixité dans des cadres sportifs divers présentent un contexte idéal pour étudier la dimension relationnelle du genre (Hagège et Vuattoux, 2014), nous permettant d'aborder tant l'évolution des formes de masculinités prépondérantes dans les milieux sportifs (Anderson, 2009) que la prise en compte les expériences de la domination par les femmes (Connell et Messerschmidt, 2005) et leurs possibilités de modifier l'ordre de genre (Schippers, 2002).

La récente mise en place de plans de féminisation nous incite à porter une attention particulière aux expériences vécues par les femmes dans l'arbitrage. Les travaux sur la féminisation de métiers d'autorité (Pruvost, 2007), de l'éducation (Combaz, 2021) ainsi que sur les conditions d'existence des sportives dans les disciplines « masculines » (Mennesson, 2005) offrent des pistes pour saisir la complexité de la fonction d'arbitre et les enjeux de distinction existant au sein des divers espaces sportifs côtoyés par les enquêté∙es. Nous montrerons comment l'étude des marges des espaces sportifs et arbitraux éclairent les normes qui sous-tendent l'exercice d'une fonction d'autorité dans des sports « masculins ». 

Nous mobiliserons une quarantaine d'entretiens semi-directifs durant entre 1h et 3h30 ainsi qu'une vingtaine de sessions d'observations (participantes ou non) de matchs, formations et réunions pour une durée totale de plus de 80h sur trois années au sein de différents niveaux de compétitions et structures fédérales. Dans un premier temps, nous observerons la manière dont les masculinités arbitrales dominantes se distinguent de celles des pratiquants et permettent aux femmes de s'intégrer dans les organisations arbitrales. Dans un second temps, nous verrons que les injonctions paradoxales auxquelles sont exposé·es les arbitres influence les hiérarchies de genre, notamment entre les féminités, et illustre comment la domination masculine se reproduit dans un contexte de féminisation.

 

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