« En trois heures de formation seulement ». Retour analytique sur une innovation pédagogique en parachutisme sportif
Gildas Loirand  1@  
1 : Centre Nantais de Sociologie
Centre National de la Recherche Scientifique, Nantes Université - UFR Sociologie

Cette communication entend poursuivre un double objectif. Il s'agit en premier lieu de décrire et d'analyser les conditions sociales, historiques et techniques de l'invention d'une nouvelle méthode d'initiation au premier saut en parachute, celle-ci ayant été expérimentée clandestinement au cours de l'année 1983 avant de se voir consacrée et adoptée l'année suivante par la Fédération française de parachutisme (FFP) comme méthode légitime. En second lieu, l'auteur ayant été directement impliqué dans la création et l'expérimentation de cette méthode novatrice qui visait à faire accéder au premier saut en parachute après seulement trois heures de formation au sol, il s'agit également de proposer, sur le plan méthodologique, un cas d'analyse procédant par « sociologisation a posteriori » d'une expérience de strict indigène. Dès lors, tout en manifestant que le fait de traiter ses expériences passées de pratiquant ordinaire d'une activité sportive en tant qu'« archive incorporée » constitue une méthode parfaitement légitime en sciences sociales, la démonstration proposée s'attachera à montrer et à expliquer que l'invention de la méthode de préparation au « saut d'initiation » à laquelle elle a donné naissance ne saurait se réduire à une innovation seulement technique et pédagogique. Cette innovation n'a en effet pu prendre corps et se voir finalement adoptée par la fédération qu'à la faveur de la conjonction favorable de divers déterminants partiellement indépendants les uns des autres. Sera ainsi défendue l'idée qu'une innovation pédagogique permise par la technologie des matériels disponibles et par les ressources culturelles de ses quelques initiateurs est surtout le produit de rapports de forces structuraux, tant sociaux que symboliques, propres à un contexte national singulièrement daté. Pour assoir une telle thèse, seront évoquées les conditions de l'invention au même moment, aux Etats-Unis, du « harnais-tandem », cette autre innovation différemment contextualisée vouée elle aussi à faciliter l'accès au premier saut. Une fois importée et généralisée en France, la méthode du saut en tandem, dans le courant des années 1990, renverra d'ailleurs le saut d'initiation dans les poubelles de l'histoire technique et pédagogique du parachutisme sportif. La conclusion s'attachera alors à préciser à grand traits les raisons d'une telle situation. Elle insistera notamment sur le fait que c'est la méthode techniquement la plus objectivement ouverte sur le commerce individualisé du saut en parachute qui a fini par l'emporter sur la méthode nationale qui reposait implicitement sur l'hypothèse de la permanence d'une « aviation populaire » dont avait découlé un mode associatif d'initiation à la pratique du saut en parachute.


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